Reconnaître l'autre et reconnaître la Loi

Est-il possible d'appliquer le mouvement typique de la reconnaissance au champ de la réalité humaine, tant personnelle que communautaire et collective ? Se pourrait-il que, dans ce champ, l'intention de connaître arrive en crise et donne l'impression d'avoir « passé à côté de ... » ?

Dans la philosophie de Buber, la situation est claire: on peut considérer la réalité humaine comme un « Cela », et se contenter de l'observer, et de chercher à l'expliquer ou à la prévoir. Mais dans une telle optique, on passe à côté de la possibilité de rencontrer autrui comme un « Tu », ou à côté de la possibilité de rencontrer la collectivité comme une communauté. « Il n'y a pas de Je en soi, écrit Buber, il y a le Je du mot-principe Je-Tu et le Je du mot-principe Je-Cela. ». Tel est le principe de l'anthropologie relationnelle : l'homme existe en relation et il convient de s'interroger sur la qualité des relations dans lesquelles il engage sa responsabilité.

Qu'en serait-il alors d'une anthropologie non-relationnelle ? On en a un exemple typique, au XVIIe, avec la philosophie de Hobbes : l'homme est par nature à la recherche de son propre intérêt et des satisfactions de son orgueil. Il est « par nature » égoïste et orgueilleux. Ce sont les deux motivations qui déterminent sa conduite. On peut désigner cette anthropologie comme naturaliste, puisqu'elle trouve son point de départ dans une décision à propos de ce que l'homme est « par nature ». Il en résulte évidemment, en ce qui concerne la collectivité, le célèbre « état de guerre de tous contre tous », et, pour en sortir, la puissance du souverain qui contraindra les gens à se tenir tranquilles. Ce sont ainsi les rapports de force qui se proposent comme l'englobant ultime du monde humain.

Faut-il le reconnaître ou reconnaître qu'autre chose est possible ?

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